Concept "One health, une seule santé" par Léonie Varobieff

Septembre 2023

 

"One Health", ou “Une seule santé”, voilà qui est aujourd’hui l’objet de toutes les attentions dans les politiques publiques nationales et internationales. Nous prenons réellement conscience que la santé est un bien commun précieux que l'on a en partage avec toutes les espèces et tous les êtres vivants dans une totale interdépendance. Lorsque les socio-écosystèmes dysfonctionnent, c'est la santé globale qui est menacée.

 

L'organisation Mondiale de la Santé (OMS), l'Organisation Mondiale pour la Santé Animale (OMSA), le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) et l'organisation pour l'alimentation et l'Agriculture (FAO), se sont coordonnées pour insuffler d'une même voix un impératif international : l'urgence de considérer la santé comme "une". De quoi s'agit-il concrètement ? Comment envisager cela en entreprise ?


 

La santé nous est précieuse. Elle est “le premier bien et le fondement de tous les autres biens” de notre vie nous disait Descartes. Si cela est universel, la compréhension que l’on a de ce qu’est la santé l’est moins. Non seulement les cultures l’appréhendent différemment, mais à chaque époque, le concept de santé évolue. Alors qu’elle était comprise comme l’absence de maladie effective sur le plan physiologique, elle est devenue en 1946 “un état de complet bien être, physique, mental et social”, lorsque l’Organisation Mondiale de la Santé a reconnu qu’elle ne se réduisait pas en “une absence de maladie ou d’infirmité”.

 

Parallèlement, les nouvelles crises sanitaires telles qu’Ebola, la leptospirose, ce que l’on a abusivement appelé la “vache folle”, la grippe aviaire, ou encore autrefois la peste, la rage, plus récemment la brucellose et le Covid-19, toutes nous font prendre conscience que les vivants en plus de partager une même planète, partagent une même santé. Et cela vaut aussi pour le vivant invisible à l'œil nu qui suscite un intérêt renouvelé pour le grand public. Le phénomène d'antibiorésistance qui menace la santé publique internationale, les micro-organismes qui vivent en nous ou plutôt grâce auxquels nous vivons, les écueils de la sur-hygiénisation dans nos foyers comme dans nos pratiques professionnelles, tout ce que nous découvrons sur notre microbiote intestinal ou sur la microbiologie des sols, nous conduit à créer une nouvelle relation aux vivants, humains et non-humains, qu’il soit végétal, animal, ou qu’il soit un socio-écosystème dont la fragilité nous renvoie désormais directement à la nôtre. 

 

Nous sommes vulnérables, parce que nous sommes vivants. Nous sommes interdépendants car nous appartenons à la même communauté biotique. Dès lors, penser notre santé c’est penser “la” santé comme unie, comme unique.  Porter préjudice à un milieu c’est porter atteinte à la santé de toutes et tous. 

 

Au XXIe siècle, qu’Ulrich Beck appelle la “modernité réflexive”, nous avons à cœur de nous repenser continuellement, et ce toujours à travers le paradigme du risque. Non que notre époque contienne plus de risques, mais qu’elle analyse tout ce qui la traverse comme un risque. Cristallisant ainsi nos peurs et cherchant sans cesse la responsabilité chez les autres, nous développons une attitude paradoxale qui consiste à poursuivre notre chemin sans considération pour la diversité des formes de vie tout en étant rongé par une sourde culpabilité. 

 

De faibles actions et un grand mal-être en résultent, nous invitant à réenvisager notre rapport à la santé, remplaçant le paradigme des “luttes contre” (lutte contre les bactéries, lutte contre le changement climatique, lutte contre les maladies zoonotiques, lutte contre l’obésité, l’antibiorésistance, le cancer ou les perturbateurs endocriniens) par celui du soin, du “prendre soin”. 

 

Ce renversement de notre approche des phénomènes que nous traversons et de notre rapport à l’autre, nécessitent un temps pour identifier nos idées reçues, nos croyances inexactes, nos biais cognitifs, les écueils de nos représentations, puis d’engager des transformations proportionnées de nos modes de vie. 

 

Le changement est une épreuve, surtout pour les entreprises et organisations qui sont structurées sur des modèles qui dépassent la volonté des individus qui les composent.

 

La philosophie a vocation à aider et surtout à soutenir ce passage, ce temps de questionnement en vue de trouver plus de justesse dans nos pratiques professionnelles. Les organisations collectives font des choix stratégiques fort heureusement très impactant pour la santé globale, si bien qu’un petit pas pour l’entreprise est un grand pas pour respecter le vivant et notre santé en partage.