Octobre 2019
Quand nourrir nous raconte...
Manger mobilise nos affects, nos rapports au monde et aux autres. Manger ne se réduit jamais à ingurgiter des nutriments. C'est un acte qui a de la valeur et contient des valeurs. Si bien que lorsque les enjeux sociaux, économiques et écologiques sont nouveaux, l'alimentation appelle à être repensée. C'est là ce à quoi s'emploie les entreprises qui intègrent la démarche Virage à table®.
Cette démarche, qui s'inscrit dans la continuité du projet « Manger Bio-Local en Entreprises » co-piloté en partenariat avec la FNAB et poursuivit pendant plusieurs années par les acteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes, fait également écho à la loi EGALIM promulguée en 2018 (1), mais aussi au manifeste co-écrit par Florence Liautaud et Léonie Varobieff qui pose la réflexion de fond sur la nécessité de penser autrement la restauration.
Si la loi EGALIM fait sa part au sein de la restauration collective du secteur public en visant l'introduction de 50% de produits dits de « qualité » (2) d'ici 2022, Virage à table® ambitionne de réaliser une transition globale au sein des restaurants collectifs, dans un premier temps d'entreprises et collectivités, en visant une restauration 100% responsable et durable.
Plus encore, Virage à table® innove quant au fondement même de sa démarche. Convaincue que la transition ne consiste pas d'abord en l'introduction de nouveaux produits au sein de l'offre alimentaire, elle opère en premier lieu une mise en question du sens de chacune des pratiques et représentations des acteurs, invitant à les questionner. Pour un donneur d'ordre en restauration collective, intégrer la démarche Virage à table® consiste donc plus à construire un nouveau rapport aux enjeux alimentaires qu'à suivre un cahier des charges avec des objectifs chiffrés d'introduction de produits bio-locaux, labellisés dans l'offre du restaurant.
Si les indicateurs chiffrés demeurent totalement indispensables, permettant de se situer, de rendre compte du travail accompli et de construire une véritable progression, ils restent insuffisants. C'est un questionnement éthique, politique, économique, que Virage à table® appelle de ses vœux et permet de réaliser ensemble. Les interrogations organisationnelles et mises en pratiques techniques sont ainsi les conséquences concrètes d'une remise en question sincère du modèle de restauration collective jusqu'à présent exercé.
Démarche systémique, globale, Virage à table® aspire à donner à penser avant de traduire nos conclusions en objectifs de résultats. Ce projet invite à prendre le virage. La restauration d'entreprise, acteur clé pour la concrétisation d'un changement de modèle alimentaire sur l'ensemble des territoires, est ainsi politiquement valorisée et témoigne de la prise de responsabilité concrète des acteurs adhérents à la démarche.
Le secteur de la restauration d'entreprise, dont le fonctionnement était jusqu'alors principalement fondé sur une politique sociale visant à rendre accessible à chaque salarié une alimentation à bas coûts, s'était structurée sur un modèle prônant la massification des achats, les préparations industrielles et une grande variété de l'offre en toute saison. Elle se voit désormais bousculée, questionnée, repensée, par les acteurs de cette restauration, du donneur d'ordre au convive, qui souhaitent opérer un changement de paradigme au regard des nouveaux enjeux planétaires. Virage à table®, qui ne se présente ni comme une évolution du système existant ni comme une révolution, met à disposition les moyens d'engager une profonde transformation de notre restauration.
Au-delà de la simple modification des achats alimentaires, c'est toute notre relation au vivant et ses interactions, aux énergies et aux pratiques de consommation qui sont à explorer. Invitant à renouveler notre imaginaire dans une perspective de durabilité, cette démarche permettra de nous reconnecter à ce que nous faisons lorsque nous nous nourrissons. Car manger c'est ingérer, c'est adhérer, c'est faire soi.
Dès lors, des entreprises comme le Groupe Orange, ARKEMA CETIA (Pierre Bénite) ou le CEA Grenoble, dont les volumes d'achats, le nombre de convives et l'impact sur les partenaires sont conséquents, se montrent résolus à incarner la faisabilité de ce changement comme sa nécessité. Ils ouvrent la voie à toutes les entreprises qui entendent développer une vraie démarche de responsabilité sociétale. Le CIEC (Club Inter-établissements et Collectivités) vient de leur emboîter le pas, avec la ferme intention de relever ce challenge.
Ces acteurs passeront tous par les étapes nécessaires définies par la démarche Virage à table® : la construction d'un comité de pilotage éclairé sur l'ensemble des enjeux à traiter (agronomie, écologie, connaissance du territoire etc.), l'état des lieux de leur restauration et de son écosystème, suivi de l'établissement d'une stratégie adaptée, comptent parmi les axes clés de la transformation. S'en suivront une définition des besoins spécifiques du restaurant et d'un modèle économique pérenne. Veiller à ce que la communication auprès des convives soit pédagogique, participe grandement à la réussite de la démarche, de même que la formation des équipes constitue un passage incontournable pour cette conduite du changement.
C’est une transformation ambitieuse, audacieuse, nécessaire et vertueuse qui est assumée par le donneur ordre et plus globalement par l’ensemble des parties prenantes pour avoir dès lors toutes les chances de créer une restauration pleinement responsable et durable.
(1) https://agriculture.gouv.fr/egalim-ce-que-contient-la-loi-agriculture-et-alimentation
(2) Les 6 signes ou mention de «qualité» retenues par la loi EGALIM sont les suivants :
Le label rouge, l’appellation d’origine, l’indication géographique, la spécialité traditionnelle garantie, la mention “ issus d’une exploitation de haute valeur environnementale ”, la mention “ fermier ” ou “ produit de la ferme ”, pour les produits pour lesquels existe une définition réglementaire des conditions de production.
Morize (mardi, 21 avril 2020 16:42)
CPME
Laiterie du Vercors